JASKO, adopté par Corinne en Janvier 2016

LES EMOTIONS DE NOTRE ANIMAL

 

 

La recherche scientifique dans le comportement animal (l’éthologie) ne prétend pas connaître tous les tenants et les aboutissants des émotions animales, mais différentes expériences et recherches très sérieuses nous permettent de mieux cerner le monde de leurs émotions, qui est très différent de celui de l’homme, ce qui est peut être difficile d’admettre parfois.


L'AIMER C'EST L'ACCEPTER POUR CE QU'IL EST

 

Lorsque l’on partage sa vie avec un animal, on tisse bien souvent des liens très forts de type amicaux, filiaux, familiaux. Il devient donc presque impossible de rester objectif quand il s’agit de dire ce qu’il pense ou ce qu’il ressent. Comment ne pas attribuer des sentiments humains à notre compagnon de vie, notre «enfant», notre «ami» qu’est ce chien ?

 

L'UTILITE DES EMOTIONS

 

Les émotions ont un rôle capital à jouer dans la vie des êtres vivants. Chez les animaux, les émotions ont pour but de permettre la survie et de s’adapter. Derrière chaque émotion ressentie par un animal, il y a un sens immédiat, une utilité objective. La peur, par exemple, permet de fuir le danger ou toute situation dangereuse qui ne serait pas bénéfique pour la survie. Ce qui différencie d’ailleurs l’animal de l’homme est entre autre la capacité de l’humain à ressentir des émotions qui ne lui sont d’aucune utilité : la haine par exemple. Ces émotions viennent de l’ego, de l’amour propre que n’ont pas les animaux. Ainsi, la jalousie, la susceptibilité, l’avidité, l’esprit de vengeance, la rancune, la compassion, la pitié, la mesquinerie, la déception, la manipulation…sont autant de sentiments proprement humains.

Aimer son animal, c’est donc accepter qu’il ne ressente pas toutes ces émotions humaines.

 

MAIS ALORS, QUELLES EMOTIONS PEUT IL RESSENTIR ?

 

Les éthologues sont tous d’accord pour considérer que les grands mammifères (grands singes, chats, chiens, chevaux, dauphins, éléphants etc…) ressentent la joie ou le bonheur, la colère, la peur et la frustration (ainsi que les émotions secondaires qui en découlent). D’autres émotions font l’objet de recherches, et il n’est pas impossible de croire que nos animaux peuvent ressentir de la tristesse par exemple. L’attachement à un individu est également un phénomène reconnu chez les animaux.

 

LA COLERE, L'AGRESSIVITE

 

La colère est un état violent qui résulte du sentiment d’avoir été agressé, offensé. On ne peut pas offenser ou vexer un animal (sentiment typiquement humain), mais il peut se sentir agressé, notamment quand ses besoins vitaux sont menacés : son territoire, son partenaire sexuel, sa nourriture, son sommeil, son être d’attachement, sa vie. C’est pour cela que chez lui, la colère se traduira par de l’agressivité. C’est sa survie qui est en jeu !

 

LA RANCUNE, LA VENGEANCE

 

Une fois que l’agression est terminée, l’animal n’y pense plus. Pas de rancune chez l’animal. Lorsque votre chien détruit tout en votre absence, on pense généralement que c’est parce qu’il nous en veut de l’avoir laissé seul et qu’il se venge. Que nenni ! C’est bien souvent la peur et l’inquiétude d’être seul alors qu’il n’y est pas habitué qui déclenche cela. Ce n’est pas une vengeance organisée !

 

 

LA MECHANCETE

 

La méchanceté n’est pas une émotion animale (les humains ont ce triste privilège), et un animal ne fait jamais rien envers un individu sans raison valable. Il ne deviendra agressif par exemple que si sa survie est en jeu.

 

 

LA GENTILLESSE, LA SOLIDARITE

 

Même chose pour la gentillesse : elle n’existe à priori pas chez les animaux. Ce qui ne veut pas dire que les animaux ne font rien pour leurs congénères ou leurs propriétaires. Au contraire, souvent, les animaux sont solidaires entre eux, mais c’est parce que la survie du groupe ou de la famille (et donc leur propre survie) en dépend. Il n’est pas question de gentillesse…« Tous pour un, un pour tous » qui est la clé de survie de nombreuses espèces animales sociales (qui ne peuvent pas survivre sans le groupe).

 

Exemple : votre chien vient vous voir quand vous êtes triste. Vous pensez qu’il le fait par gentillesse à votre égard. Pourtant, il le fait surtout pour renforcer vos liens. Il faut toujours garder à l’esprit qu’il y gagne quelque chose pour sa survie ! Plus il est affectueux avec vous, plus vous voudrez le gardez auprès de vous, le nourrir et le protéger !

 

LA PEUR, L'ANXIETE

 

La peur, nous l’avons vu, est une émotion clé qui permet directement à l’animal de survivre. Si son utilité immédiate est indéniable en cas de danger (elle déclenche la fuite), elle peut cependant devenir « pathologique ». En effet, si ce fait « peur » est là en permanence et que l’animal ne peut y échapper, alors l’émotion s’installe pour devenir névrotique et pathologique : c’est l’anxiété. Cette émotion n’est pas fréquente dans la nature, car bien souvent l’animal a la possibilité de s’enfuir et de se mettre à l’abri. C’est un phénomène qui est malheureusement directement lié à ses nouvelles conditions de vie : dans nos maisons et appartements, sans possibilité de fuir, ce qui est angoissant.

 

Un animal qui a eu très peur peut faire ses besoins sur place, rester tétanisé, faire un état de choc ou même une crise cardiaque ! Cela est fréquent chez les rongeurs en cage (hamsters, souris, cochon dindes). Plus l’animal est petit, plus le cœur bas vite !

 

LA JOIE, LE BONHEUR

 

Quand un chien vous accueille à votre retour et qu’il bat de la queue et se jette sur vous, ou bien lorsque votre chat ronronne en recevant vos caresses, on ne peut douter qu’il ressent de la joie.

 

Mais quelle est l’utilité de cette émotion ? C’est très simple : ce qui agréable et procure du bien-être est bon pour la survie, car cela ne représente pas un danger. Ce qui représente un mal-être en revanche peut enclaver le bon fonctionnement de la survie, et est donc évité.

 

LA FRUSTRATION, LA TRISTESSE

 

La frustration est une émotion directement liée à la subsistance. L’animal a des besoins (manger, dormir, se reproduire, se dépenser, garder sa place au sein du groupe…). Quand on l’empêche de les assouvir, sa santé physique et mentale risque d’être affectée, et cela déclenche de la frustration.

C’est une émotion très forte, qui peut entraîner des réactions violentes ou/et surprenantes. Bien des enfants se font mordre par des chiens après leur avoir mis sous le nez un gâteau sans leur en avoir donné !

 

Lorsque la frustration est trop forte, cela peut parfois déclencher des comportements physiques involontaires et non-maîtrisés de l’animal : destruction du mobilier, automutilation, mictions. Le corps réagit pour permettre à cette émotion de se décharger.

 

 

L'EXCITATION, L'ENERVEMENT

 

Ces deux émotions sont bien souvent liées au ressenti physique de l’animal. Lorsqu’on embête un animal au moment de ses activités naturelles, cela peut provoquer un chez lui un énervement, dans le sens « agacement » : on le chatouille quand il dort, on touche sa gamelle, on le caresse alors qu’il ne le veut pas.

 

Il peut être « énervé » dans le sens « excitation» parce qu’il n’a pas eu d’activité de la journée et qu’il a besoin de dépenser cette énergie inutilisée.

 

Lorsque l’excitation devient trop forte, elle peut déclencher, comme la frustration, des réactions physiques incontrôlables. Ce sont souvent des petits pipis !

 

 

LA JALOUSIE

 

Point épineux qu’est la jalousie ! Il est difficile d’admettre que notre animal puisse ne pas ressentir de jalousie envers un autre congénère ou un autre individu. Parfois cela y ressemble tellement…mais on constate bien souvent qu’il s’agit d’autres émotions, et non de la jalousie.

 

Un couple vient par exemple d’avoir un enfant, et le chien de la famille s’en trouve très affecté : il mange moins, joue peu, semble « triste » et aurait tendance à agresser le bébé. La première chose que l’on peut penser est donc : « il doit être jaloux du bébé parce qu’on ne s’occupe plus de lui comme avant ». Il est indéniable que le chien peut ressentir de la frustration ou un mal-être de ne plus être aussi proche de son propriétaire favori (souvent la femme), mais ça n’est pas pour autant qu’il jalouse l’enfant. S’il agresse le bébé, cela peut être surtout parce qu’il en a peur ou qu’il se sent anxieux de sa présence. Alors il se peut parfois qu’il décharge son émotion en urinant sur un objet du bébé : ainsi, il dépose une odeur à lui sur un objet imprégné d'une odeur inquiétante, celle de l’enfant. Le bébé peut aussi l’agacer et l’exciter dans le mauvais sens du terme (cris trop perçants, se faire tirer les poils, être dérangé pendant le sommeil), ce qui à long terme peut déboucher sur de l’anxiété.

 

LA NECESSITE DE COMPRENDRE

 

Il est parfois très frustrant et agaçant de ne pas comprendre ce qui se passe dans la tête de notre animal. Voilà pourquoi bien souvent on se contente de leur prêter nos propres émotions. Cependant ça n’est pas sans conséquences sur la relation que nous avons avec eux.

 

En effet, si je considère que mon animal se venge ou « fait exprès » telle ou telle chose, alors il doit aussi comprendre pourquoi je me mets en colère et pourquoi je le punis. En réalité, ce n’est pas toujours le cas. Alors s’il recommence à faire ce qui est interdit, je vais finir par croire que mon animal ne n’aime pas…

 

L’anthropomorphisme est parfois l’une des seules causes de perturbations des relations entre l’homme et son animal. Le rôle d’un comportementaliste est d’ailleurs avant tout d’aider les propriétaires à comprendre les émotions et intentions de l’animal pour éviter les quiproquos. Car le perdant est en général l’animal. Il ne fait pas ce que l’on attend de lui parce que nous avons surestimé ses capacités et mal interprété ses émotions…et les problèmes de communication s’enchaînent.

 

Pour conclure, sachons que la science n’arrête pas de faire des découvertes, et bientôt peut-être découvrirons-nous de nouvelles capacités émotionnelles à nos chers amis et qu’enfin nous pourrons parler d’Amour chez l’animal !

 

Auteur de l'article : Florence Cailliot-d'Ivernois, éthologue